Une fois que tu as réfléchi à la question et que tu as accepté un truc, même si c'est un truc très chiant, tu deviens moins malheureux de devoir le supporter. Parce que tu n'as plus l'impression que c'est une injustice terrible, que le hasard (ou Dieu si t'y crois) t'en veut personnellement. Il faut aussi savoir être un peu fataliste parfois ! Par exemple mon rhume, je sais que ça m'arrive de temps en temps, une ou deux fois l'an : mal à la gorge, le nez qui coule, les oreilles qui bourdonnent, les petites courbatures, probablement un peu de fièvre. Mais bon, y a pas mort d'homme, pas vrai ?

Et puis, une fois cette petite fatalité acceptée, j'y trouve quelques "avantages" : ça m'oblige à me reposer, à ralentir, à me poser en fait. Il faut savoir se poser parfois. Je fais des trucs tranquilles sans avoir mauvaise conscience, comme lire, écouter de la musique ou regarder la télé. Prenons un peu de recul : un petit rhume, c'est presque agréable à côté de tous les autres emmerdements possibles du monde, non ? Au fond, le rhume est là pour te faire réaliser que t'as bien de la chance de n'avoir que des soucis de cet ordre là, parce que si t'avais des vrais problèmes ton rhume tu t'en ficherais complètement. D'ailleurs j'ai remarqué que ce genre de truc n'arrive généralement que quand on n'a pas vraiment d'autres problèmes trop graves, marrant non ?

Au fond je préfère me farcir un bon gros rhume bien honnête, plutôt que de me sentir vaguement mal fichu sans savoir pourquoi, et que ça traîne des jours et des jours. Avec mon rhume je sais à quoi m'en tenir, c'est convenu d'avance : un ou deux jours de mal à la gorge qui fait vraiment mal, ensuite le nez qui coule comme un robinet (ouvert), la tête qui résonne (au lieu de raisonner), puis assez vite il n'y a plus qu'une grosse toux bien grasse qui ne fait même plus mal à la gorge, ainsi qu'une consommation hallucinante de mouchoirs.

Alors voilà, je le retrouve régulièrement et il ne change guère, mon rhume. Tout ça a un petit côté familier : quelques pastilles pour la gorge, du miel, faire des provisions de mouchoirs. Un truc amusant, c'est le goût qui change : je trouve un goût absolument dégueulasse à mes cigarettes. Mais ça ne m'empêche pas de continuer à fumer, ça diminue juste un peu. D'ailleurs ce goût infect c'est une sensation tellement connue, tellement habituelle et familière que j'ai presque plaisir à la retrouver, comme un truc qu'on aime détester.

Mon rhume me rappelle aussi de vieux souvenirs, comme quand j'étais petit et qu'il me permettait de rater l'école un jour ou deux. Mais ma mère ne me laissait jamais en profiter assez longtemps, elle était intraitable : dès que la température descendait en dessous de 38 degrés, c'était la fin des vacances ! Alors quand je me sentais encore un peu faible, ou plus honnêtement quand je voulais du rab de paresse un jour ou deux, je trichais un peu en chauffant ce bon vieux thermomètre à mercure à l'ampoule de ma lampe de chevet...

En plus, d'être enrhumé ça te donne un prétexte pour te faire plaindre un peu. Et puis aussi comme ça t'as une excuse pour avoir le cerveau un peu ralenti, tu peux te permettre d'écrire ta petite chronique mal foutue avec huit fois le mot "truc" dedans, et sans doute quelques fautes d'orthographe et des tournures de phrase pas très catholiques. Il te suffit de prendre ton air abattu et de dire "désolé je suis un peu fatigué à cause de mon rhume"...