Ce soir j'allais au supermarché du coin m'acheter ma pitance et un pot de miel pour ma gorge (c'est un prétexte, le miel c'est parce que c'est bon). Précisons pour situer que je suis un peu à côté de mes pompes, fatigué de cette journée moyennement satisfaisante et pressé d'aller me blottir dans mon lit, qui est bien entendu douillet comme il se doit. Juste après être sorti du magasin, dehors, un type téléphone en parlant assez fort, puis il me voit et dit à son interlocuteur "Attends je vais demander" en s'approchant de moi. Je m'attends à ce qu'il me demande son chemin ou un renseignement de ce genre. Me connaissant, il est probable que je souriais déjà pour faire mon gentil, et aussi parce que j'aime bien me rendre utile.

Il me sort très vite une histoire de panne d'essence, de problème avec sa carte bancaire qui l'empêche de faire le plein et de pompiste qui l'aurait traité de bougnoule. A ce moment précis il me demande très vite "t'es pas raciste toi ?", sur le ton d'une demande de confirmation mais en attendant quand-même vraiment que je réponde. Après quoi il termine tout aussi vite son histoire, visiblement bien préparée, en expliquant qu'il a besoin d'essence évidemment. Moi, un peu surpris et n'ayant pas encore compris où il voulait en venir, je dis que je n'ai pas de voiture, ce qui est vrai au demeurant (oui, bon, j'étais fatigué, et même en bon état je suis assez lent et pas très malin). Je sais plus exactement les mots qu'il emploie ensuite, mais comme on peut s'y attendre il souhaite qu'on le dépanne de 4 ou 5 euros pour de l'essence...

Pour ma défense, ce gugusse s'y est quand-même très bien pris : l'interlocuteur au téléphone (inexistant sans aucun doute), la rapidité du sketch pour ne pas laisser au gogo le temps de réfléchir, tout en lui présentant une histoire à la fois cohérente et qui n'offre pas d'échappatoire. Et surtout, la question du racisme, faite toute exprès pour associer un refus à du racisme. Ce type aurait dû faire une école de commerce (d'ailleurs il en a peut-être faite une). Je dois reconnaître aussi que j'offre tous les signes extérieurs du type gentil, voire faible. Mais dans ce genre de situation, quand je suis en forme, je suis capable de dire non et de me barrer tranquillement : je sais que rien ne m'oblige à accepter.

Donc là, le truc c'est qu'il aurait fallu que je trouve une solution à son problème qui ne m'oblige pas à lui filer du fric, solution qu'il aurait probablement refusée, ce qui m'aurait très bien convenu. Bref, j'étais déjà à sortir mon porte-monnaie en réalisant que je m'étais fait baisé, et j'ai pas osé changer d'avis à ce moment-là. En revanche je ne sais pas s'il a vu le contenu de mon porte-monnaie, mais il y avait plus que le 1 euro 50 que je lui ai lâché. En fait, je crois qu'à cet instant il a dû sentir aussi que j'hésitais : on savait tous les deux qu'il m'avait embobiné, si bien que moi j'aurais été embêté de ne rien lui donner mais lui ne pouvait plus se permettre d'insister pour que je lui file vraiment ce qu'il demandait.

Je déteste me faire entuber comme ça. Pas pour le fric, on s'en branle complètement, même pas le fait de passer pour un con, ça ne me dérange pas. Mais putain de merde je m'en veux d'être aussi faible : pas être foutu de flairer l'embrouille, alors que je suis sûr que quelque part j'en avais l'intuition dès le début, mais pas assez de volonté pour chercher le moyen de m'en échapper. Bordel, ce que ça peut m'énerver ! Je me foutrais des baffes, tiens.

Allez va, t'as bien joué ton numéro, mec, alors on va dire que t'as bien mérité tes 1,50 euros.

Note pour moi-même : la prochaine fois, penser à proposer au type de lui offrir un ticket de bus.

ps : en relisant j'ai corrigé pas mal de fautes. Désolé s'il en reste, je rappelle que j'ai un gros rhume, et donc sans doute pas toutes mes capacités intellectuelles (déjà faibles au départ, vous vous doutiez que je ne pouvais pas manquer d'ajouter une remarque de ce style).