C'est une amie, oui. Qu'elle me dise qu'elle est amoureuse, bon, à la rigueur. Mais amoureuse de notre ami commun, ça me fout vraiment les boules qu'elle me le dise ! Et moi je joue quoi dans l'histoire ? Je tiens la chandelle ? Je vais devoir écouter l'un et l'autre me raconter leur relation, peut-être même attendront-ils mes conseils ?! Mais merde, je suis pas votre curé ou votre psy ! Y a conflit d'intérêts là ! Je suis sincèrement touché de la confiance qu'on place en moi, mais faudrait voir à imaginer que j'ai peut-être moi aussi des sentiments, même si j'ai peur de le montrer... Peut-être que ça ne m'amuse pas des masses de vous imaginer tous les deux comblés de bonheur, vous deux si équilibrés, si riches de vos vies respectives ? Oui je préfère vous savoir heureux, mais merde vous vous en doutez que je vous envie non ? Non, vraiment pas ? Vous croyez peut-être que c'est un choix réfléchi et volontaire de rester toujours tout seul comme un con ?

Non. Je vous le dis franchement : non.

Et elle qui me balance ça dans la tronche, complice et tout. Elle qui est à des lieues d'imaginer que je puisse être attiré, moi, par quelqu'un... Par elle par exemple ? Elle, cette fille qui me plaît, qui me dit ça tranquille, presque soulagée de se confier. Et moi, stoïque, qui tiens mes émotions à distance en l'écoutant, qui reste dans mon rôle d'ami fidèle.

Et maintenant, seul, qu'est-ce que je peux faire, qu'est-ce que je peux dire, à qui le dire ? Trop de sentiments tus, ravalés, étouffés, écrasés. Quelque chose doit sortir de moi. Je m'enfonce un doigt au fond de la bouche et je gerbe. Rideau.