Je me pose parfois des questions vraiment étranges : est-ce que je peux conserver certaines qualités que j'estime devoir à mon grand-père maintenant qu'il n'est plus là ? En particulier, puis-je rester quelqu'un d'un peu "courageux", je veux dire serai-je toujours capable de prendre ma vie en main, ou du moins d'essayer (car l'important c'est d'essayer) ? Il me semble en effet assez clair que ce n'est pas la connaissance théorique de ce qu'il faut faire qui importe, mais bien le fait de voir quelqu'un réussir à le faire en pratique. Et de ce point de vue, je m'aperçois maintenant que je ne connais pas beaucoup de gens aussi "courageux" que l'était mon grand-père (je mets des guillemets parce que je ne suis pas certain que le mot corresponde parfaitement à ce que je veux dire).

Bon ok, je me doute bien que l'absence physique de mon grand-père ne va pas en effacer tous les souvenirs de ma mémoire, encore moins modifier ma personnalité. Mais c'est tout de même comme si un morceau de moi partait avec lui. Donc je perds encore un peu de confiance en moi, et pourtant je n'en ai pas une grande réserve. Je sais bien que c'est temporaire, que ça ira mieux demain ou la semaine prochaine. Mais voilà, je me bloque dans mon problème. Et comme je n'ai pas de tâche urgente à accomplir, ni de travail un peu bête mais facile à faire pour m'occuper l'esprit, je m'enferme. J'hésite à tenter d'en parler aux uns ou aux autres, alors que ça me ferait certainement du bien. Peur d'être lourd, crainte d'imposer mes problèmes comme si je cherchais à me faire plaindre, besoin d'éviter à tout prix de voir de la pitié dans un regard. De vieux réflexes idiots, c'est évidemment toujours autrui la solution. Souvent aussi le problème d'ailleurs, c'est ce qui fait que la vie n'est pas un long fleuve tranquille, et c'est aussi bien ainsi.

Je reprends ici mon histoire le lendemain (je veux dire bien sûr que j'ai écrit ce qui est ci-dessus hier, vous aurez compris). Finalement j'ai eu l'occasion de dîner avec un ami avec qui j'ai bien discuté. J'imagine que ça semble un peu bête tout ça, mais c'est important pour moi de réussir à admettre que je ne peux pas tout assumer seul, et que j'ai parfois simplement besoin de parler avec mon prochain. C'est sans doute quelque chose de trivial pour la plupart des gens, mais avoir à la fois assez d'humilité pour reconnaître que j'ai besoin d'autrui et l'initiative d'aller vers cet autrui n'est pas une mince affaire pour moi. Et c'est paradoxalement de ce genre "d'effort" dont je devrais être "fier" (le mot étant un peu trop fort évidemment), même si je ne peux m'empêcher de trouver ça assez ridicule. Car cela demande plus de "courage" que de prendre un médicament, et est nettement plus enrichissant à plus long terme.

Je pars demain enterrer mon grand-père, et j'espère faire à l'avenir tout ce qu'il faut pour qu'il soit fier de moi, que ce soit dans ce monde, dans un autre, ou seulement dans mon esprit...