Donc l'autre jour c'était le petit parcours avec bilan sanguin, radio des poumons et le truc dont j'oublie toujours le nom où il faut souffler dans un bidule pour mesurer la capacité pulmonaire (ou autre chose du même genre). J'ai encore eu cette sensation très désagréable de familiarité avec l'hôpital : les gens changent, les lieux changent, pourtant tout me semble tellement semblable, tellement connu. Par exemple, les réflexes qui reviennent pour ne pas perdre trop de temps en attente, que ma mère m'avait appris : demander à la secrétaire d'ici si j'ai le temps de passer l'examen de là-bas avant. Commencer à tourner en rond et à bouger de moins en moins discrètement pour me faire remarquer, quand j'ai l'impression qu'on m'a oublié. Vous me direz rien d'extraordinaire, mais ce ne sont pas des chose que je ferais ailleurs que dans ce contexte. Et bien sûr, avoir amené un bouquin. Je voudrais ne pas savoir tout ça, je voudrais ne pas être blasé de voir passer les lits des malades, je voudrais me sentir mal à l'aise, je voudrais même avoir peur ! Mais non, tout cela fait encore partie de mon monde, tout cela est désespérément normal à mes yeux.

Le mec de la radio me file le cliché de mes ridicules petits poumons de fumeur. Je lui dit "merci, au revoir", il me dit "bon courage". Quel con. Il dit peut-être ça à tous les patients qu'il voit, mais moi je me dis "putain il m'a déjà trouvé mon prochain cancer ou quoi ?" "Bon courage" ? J'ai l'air d'avoir besoin de courage ? Je suis venu seul sur mes deux jambes, merde ! J'ai regardé le cliché, j'ai rien vu, j'y connais rien. Bon, je sais que je délire : je suis pas parano (ou pas tant que ça), juste cynique. Mais s'il avait pu éviter le "bon courage" ça m'aurait éviter de penser à mon prochain cancer...

... et au courage.

(à suivre)