D'abord, comme la plupart des gauchers (et la plupart des personnes de sexe masculin d'ailleurs), j'écris comme un pied. Faut dire que je ne fais pas trop d'efforts, maintenant y a des ordinateurs donc c'est moins grave puisque ça ne se voit pas. Je suis également plutôt maladroit en général, en actes comme en paroles mais là n'est pas la question (quoiqu'il y ait peut-être un lien après tout ?). De ce côté là, il faut signaler aux droitiers qu'ils ne peuvent pas imaginer le nombres de petits trucs du quotidien qui sont "à l'envers" pour un gaucher : tourner un bouton quelconque, utiliser un ustensile aussi stupide qu'un ouvre-boîte, peler un fruit avec un couteau affuté d'un seul côté, prendre la souris à droite de l'ordinateur, écrire au stylo plume de gauche à droite (en ramassant toute l'encre)... Paradoxalement, comme le gaucher apprend assez vite qu'il doit s'habituer à faire certaines choses "dans le mauvais sens" (je veux dire dans le sens qui lui est le moins intuitif), il peut facilement s'emmêler les pinceaux : si j'inverse par rapport à mon sens "normal" et que je m'y habitue correctement, ça devient mon nouveau sens "normal". Du coup, si j'ai la mauvaise idée un jour de réfléchir au sens que je dois utiliser, je risque de vouloir ré-inverser. Un peu comme quand t'appuies plein de fois sur l'interrupteur en fermant les yeux, à la fin tu sais plus si la lumière est allumée ou éteinte. Et ce qui est rigolo, c'est qu'on se met parfois à se poser des questions sur l'utilisation d'un outil inconnu, même si celui-ci n'a aucun sens particulier.

A ma connaissance, il n'y a que trois choses pour lesquelles ma main droite est "la bonne main". La première, ça a été de sucer mon pouce. Oui, j'ai sucé uniquement mon pouce droit, c'était sans conteste le meilleur des deux : il était plus sucré. Je l'ai d'ailleurs sucé assez longtemps, si bien qu'à la fin j'avais une espèce de grosse croûte très inesthétique sur la phalange, à l'endroit où je le mordillais. Mais la croûte est partie maintenant, parce que je ne suce plus mon pouce (grâce aux réunions des "suceurs de pouce anonymes" : "Bonjour, je m'appelle Léon, ça fait 3 mois que je n'ai plus sucé mon pouce." - si ça se trouve ça existe ?).

La seconde activité, ma main droite l'a lamentablement subtilisée à ma gauche, à qui cette activité revenait de droit. Il s'agit de l'utilisation des ciseaux, pour découper comme vous le devinez. Je supppose qu'une institutrice étourdie m'a fichu les ciseaux dans la main droite à la maternelle, peut-être même m'a empêché d'utiliser la gauche ? J'en sais rien, mais l'habitude a fait que je ne sais pas découper de la main gauche, même si la droite est loin d'être habile à cette tâche. Je m'en suis aperçu le jour où mes parents m'ont offert des ciseaux pour gaucher. Les ciseaux sont l'un des rares outils dont on fait des modèles spécifiques pour gauchers qui soient assez répandus. J'étais donc très content d'avoir enfin un objet quasiment fait exprès pour moi. Au début je les ai utilisé de la main droite sans me rendre compte du problème, mais je sentais bien que ce n'était pas aussi confortable que des ciseaux normaux. Il a fallu se rendre à l'évidence : j'étais inadapté au seul outil qui aurait pu me permettre d'afficher crânement ma différence !

Enfin, la troisième chose pour laquelle ma main droite a l'honneur d'être l'élue (mais est-ce bien un honneur ?), je l'ai découverte à l'adolescence. Pourquoi si tard, me direz-vous ? Non, ce n'est pas parce que j'ai mis longtemps à comprendre cette fois-ci. C'est simplement parce qu'il s'agit d'une activité qu'on ne pratique qu'à partir de la puberté, activité à caractère sexuel mais généralement pratiquée en solitaire (dont vous devinez aisément la nature). Je ne sais pas pourquoi mais je vous jure que c'est vrai : je ne me suis jamais branlé de la main gauche, toujours avec la droite (et parfois sans les mains, mais on sort du sujet). Comme aurait dit M. Cyclopède : étonnant, non ?